14 mars 2018

Bantutalk Ain't I a woman ?

Mboté mes bénés!
J'espère que vous allez bien.
Cela fait longtemps que je n'ai pas écrit d'articles pour le blog mais je tenais vraiment à vous écrire celui-ci, un article sur un livre que je viens de lire "Ne suis-je pas une femme? femmes noires et féminisme" de bell hooks que je tenais absolument à partager avec vous si vous ne le connaissez pas encore.

J'ai lue ce livre il y a quelques jours d'une traite suite à la recommandation acharnée d'un bon ami, j'ai ouvert les premières pages et je ne l'ai plus  refermée.
Je suis une boulimique littéraire je lit énormément cinq à six livres par mois....des biens, des moins biens, des tristes et des hilarants...des douloureux beaucoup moins pour ne pas dire jamais.
J'aime lire pour ressentir des émotions, mûrir en sentiments m'échapper de ma vie en me plongeant dans la vie d'autres...mais lire pour souffrir je n'aime pas du tout, cependant les livres nous font souffrir parfois et c'est inévitable, "Ain't I a woman" est de cela.

Cela fait longtemps maintenant que je n'ai pas ressentie une telle révolte en lisant un livre, la dernière fois que je me suis sentie émue aux tripes en pleine lecture ce fut devant "Roots" de Alex Haley qu'on ne présente plus c'était il y a quasiment 5 ans et quelle détresse de me retrouver dans une situation de tristesse aussi profonde mais ce livre en vaut la peine je dirais que le lire en tant que femme d'abord, et en tant que femme noire est un mal nécessaire en tant qu'être humain une obligation.

Ne suis-je pas une femme?

Voici la question que pose bell hooks dans son ouvrage, reprise du discours de Sojourner Truth à la convention des femmes en 1851 dans l'état de l'Ohio


"Well, children, where there is so much racket there must be something out of kilter. I think that 'twixt the negroes of the South and the women at the North, all talking about rights, the white men will be in a fix pretty soon. But what's all this here talking about?

That man over there says that women need to be helped into carriages, and lifted over ditches, and to have the best place everywhere. Nobody ever helps me into carriages, or over mud-puddles, or gives me any best place! And ain't I a woman? Look at me! Look at my arm! I have ploughed and planted, and gathered into barns, and no man could head me! And ain't I a woman? I could work as much and eat as much as a man - when I could get it - and bear the lash as well! And ain't I a woman? I have borne thirteen children, and seen most all sold off to slavery, and when I cried out with my mother's grief, none but Jesus heard me! And ain't I a woman?
Then they talk about this thing in the head; what's this they call it? [member of audience whispers, "intellect"] That's it, honey. What's that got to do with women's rights or negroes' rights? If my cup won't hold but a pint, and yours holds a quart, wouldn't you be mean not to let me have my little half measure full?

Then that little man in black there, he says women can't have as much rights as men, 'cause Christ wasn't a woman! Where did your Christ come from? Where did your Christ come from? From God and a woman! Man had nothing to do with Him.

If the first woman God ever made was strong enough to turn the world upside down all alone, these women together ought to be able to turn it back , and get it right side up again! And now they is asking to do it, the men better let them.
Obliged to you for hearing me, and now old Sojourner ain't got nothing more to say."


Un livre, où plutôt une analyse sociologique de faits historiques et sociaux dont le but est d'amener à retracer la construction de la vision de la femme noire dans la société états-unienne, une vision forgée par le sexisme et le racisme mise en avant sous un œil rare celui d'une femme noire.

Un féminisme autre que le féminisme jusqu'alors représenté par le combat des femmes blanches pour l'ascension des femmes blanches.
Un féminisme noir de femmes qu'on ne pensait pas qu'elles étaient femmes, de femmes dont on a pût abuser délibérément sans crainte de représailles car des femmes n'ayant nulle protection et nuls défenseurs abandonnées à leur triste sort, leurs cuisses écartées de forces, des femmes qu'on a torturées, violées, mutilés leurs attributs de femmes, les seins les parties génitales...une boucherie de femmes dont les hommes blancs, femmes blanches mais aussi hommes noirs ont abusés.
Dans le lit des corps abusés oui...quand l'envie de débauche est là devant leurs yeux pervers elles sont devenues femmes en qui ils pouvaient planter leur semence et démontrer leur barbarie d'hommes passées sous silence leurs orgies criminelles et meurtrières sur des corps sans valeurs qui à ce moment là étaient femmes mais durant des siècles au-delà de leur utilité sexuelle, agricole, domestique elle n'étaient rien moins que le Noir (homme) elle étaient des femmes noires.

Ne suis-je pas une femme?

C'est la question que je me suis posée en tournant chacune des pages de ce livre.
Comme vous le savez tous je suis congolaise ce n'est plus un secret, de père et mère congolais je suis africaine née en Afrique dans une famille africaine, le désespoir de la traite négrière de la traversée du grand bleu de la cueillette du coton et des coups de fouet je ne l'ai pas vécue.
Mais les conséquences de l'esclavage chez moi au Congo sont retentissantes le bassin du Congo à été le plus grand vivier d'alimentation d'esclaves durant les siècles de traite négrière plus encore que sur l'île de Gorée les conséquences psychiques de ce commerce de ces razzias sur les populations locales n'est plus à démontrer "les vaincus de l'histoire" et en terme de chiffre lorsque l'on sait que la population du Congo-Brazzaville est moitié moindre que ce qu'elle devrait être aujourd'hui (la population actuelle du Congo-Brazzaville est de 5millions d'habitants sans la traite celle-ci serait estimée à plus de 10 millions) ce sont des familles entières qui ont été ainsi réduite à néant.
Les conséquences de l'esclavage sur moi qui vous écrit en tant que personne noire sont indescriptibles.

Aujourd'hui je suis une femme en 2018, plongée dans cette période où les scandales d'harcèlements sexuels fleurissent au grand jour "#weinstein, #balancetonporc, #metoo", je suis heureuse que cette parole se libère et que toutes ces femmes ayant vécues ces expériences aussi dégradantes puissent enfin retrouver la quiétude intérieure que leurs ont confisquées ces bourreaux qui s'ignoraient eux-même.

Toute cette médiatisation n'est pas arrivée par hasard des femmes se sont battues pour libérer la parole, ouvrir la voie, des pionnières toujours nécessaires et puis après elles des années de parcours, et ces scandales ne sont pas des victoires mais juste une petite partie immergée de l'iceberg et du carcan dans lequel sont prisonnières les femmes aujourd'hui encore partout dans le monde le parcours n'est certainement pas encore achevé.


Pour être honnête je ne me suis jamais sentie féministe j'ai toujours regardée certains mouvements comme celui des #Femen d'un œil très sceptique, je me suis jamais sentie féministe car pour moi le combat de ces femmes n'était pas mon combat à moi femme noire qui devait me battre contre autre chose.
 Une chose que j'ai jusqu'à présent considérée plus grave encore que le sexisme, le racisme.
Pour moi c'était clair comme de l'eau de roche si aujourd'hui j'étais discriminée ce n'est pas parce-que j'étais femme c’était parce-que j'étais noire.
Jamais parce-que j'étais femme et noire.


Obnubilée par le racisme et tout ce qui en découle j'en ai toujours oubliée ma condition de femme, quand j'entendais féminisme j'entendais de facto femmes blanches, combats de blanches européennes ayant déjà beaucoup de privilèges et étant incapables de se contenter de ce qu'elles avaient et de ce que nous femmes noires n'avions toujours pas une crédibilité à se plaindre de tout et de parfois rien; et ayant à ma connaissance très peu d'exemples de féministes noires j'ai toujours crut que mon avancée dans la société ne se ferait pas au rythme de l'avancée des femmes mais au rythme de l'avancée des noirs.
C'est cruel à quel point être enfermée dans une condition spécifique nous fait oublier qui on est même de manière naturelle et génétique un mot une couleur nous définit et comme ce mot est plus souvent masculin que féminin quand on entend racisme des noirs on ne voit pas les noir(e)s quand on entend le noir on ne voit pas la noir(e), les mots ont une importance clé car ils modèlent notre esprit et nous rendent de facto sensibles à des choses plus qu'à d'autres , à force de lire racisme des noirs combat des noirs la victime du racisme est devenu de facto l'homme noir, la femme noire invisible dans son ombre et ensemble pourtant nous sommes rentrés dans ce combat et nous femmes n'avons pas eu le recul de nous dire que dans ce combat nous étions invisibles dans l’instinct de race nous faisons front ensemble avec nos hommes privilégiant la race que notre condition de femme et nous sommes devenus ce qu'ils pensent de nous des êtres hermaphrodites ni homme ni femme mais plus proche de l'homme que de la femme.
Asphyxiée par le racisme nous nous levons toujours pour les marches contre les discriminations asphyxiée nous oublions de penser à améliorer notre statut de femme nous sommes encore noyées dans la masse des noirs, des hommes noirs.
Aujourd'hui il est incontestable que je suis passée à côté de cette double problématique de ce double handicap qui apparaît de manière si limpide depuis que j'ai finie ce livre.
Et de ce fait me fait acquérir une autre dimension dans cette quête de justice et d'équité.
Je n'ai jamais compris jusqu'alors pourquoi les hommes noirs s'intégraient aussi bien dans les sociétés occidentales surtout ici en France, plein de mélanine comme nous pourtant ils ont toujours eu plus d'opportunités que nous, ils ont toujours eu une image meilleure appuyée sur des stéréotypes certes mais des stéréotypes valorisant pour l'ego d'un homme et l'ego d'un homme est le ciment d'une société patriarcale.


Tandis qu'en France les hommes noirs ont l'image d'Alphas protecteurs et séduisants bon parti en chambre, la femme noire est la femme sale, bruyante et stupide incapable de faire preuve de séduction inhibée par le complexe de ses origines.

Ce livre m'a permis de faire un parallèle douloureux avec la société française des hommes noirs à la télé il y en a, au cinéma il y en a, dans les publicités il y en a dans le sport il y en a des cadres aussi existent.
les femmes noires c'est niet...une femme noire dans le jargon de la langue française c'est une métisse en France la femme Noire est invisible.
J'ai toujours ce blâme sur mes congénères noirs "quand vous réussissez on n'existe plus nous" quelle femme noire n'a pas eu ce ressentiment devant un couple composé d'un homme noir et d'une femme blanche et métisse lorsque l'inverse est très rare.
La femme noire en France comme aux Etats-Unis est caricaturée, vulgarisée et de fait rendu innatractive si ce n'est pour des activités avilissantes.
Comment en vouloir même toujours à cet homme assaillit du lundi au dimanche 24/24 7/7 de femmes caucasiennes classes et chics qui font la une de tout ce qui peut attirer un homme le parfum les bijoux la lingerie dans tous les encarts publicitaires la caucasienne est le modèle l'afro-descendante l'exception.
La femme noire affublée de stéréotypes tels que dans ce film "bande de filles" qui nous as crucifiées alors qu'au fond nous étions déjà mortes et enterrées dans les consciences communes.

Le féminisme des femmes blanches s'est battu pour que le statut de la femme dépasse celui d'une femme objet, aujourd'hui pour l'égalité salariale, tous un tas de droits les rapprochant des hommes un peu plus d'équité en somme.
La femme noire en plus de se battre pour cela mène un combat ayant une teneur différente puisque le combat de la femme noire en France est déjà d'être reconnue comme étant une femme à part entière un être humain voilà déjà pour nous cela serait très bien car la femme noire en France comme aux Etats-Unis est encore cette chose hybride qu'on hésite à qualifier qu'on ne voit pas qu'on ne représente jamais alors quand on la représente un tant soit peu c'est erroné, toujours.
Comment se battre pour avoir plus lorsqu'il apparaît qu'au yeux de tous que nous ne sommes rien.

Après avoir lue ce livre je me suis sentie autre chose oui je me reconnaît à présent comme étant féministe ils y a des féministes blanches que j'admire mais je me reconnais pas dans leur combat car leur combat aujourd'hui encore ne me profite pas.
Mon combat à moi est différent, complexe si ce n'est compliqué devant m'affranchir de la haine des hommes devant mon sexe réputé faible, devant m'affranchir de la haine d'une race devant la mienne.
Je suis une femme noire et féministe.

Ain't I a woman?

Yes I am.

Je vous souhaite à tous de vous procurer ce livre et en le lisant qu'il vous apporte autant qu'il m'a apportée.

Bisous sucrés, Love, Euloria



Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire